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L’EMPLOYEUR QUI SE PRENAIT A TORT POUR L’INSPECTEUR HARRY …

Le 27 mars 2018
L’EMPLOYEUR  QUI SE PRENAIT A TORT POUR L’INSPECTEUR HARRY …
Un employeur n’est pas en mesure de priver le salarié de sa liberté d’aller et venir. La chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 28 février 2018, encadre le pouvoir d’enquête de l’employeur suite à des mesures de « confinement ».

Un employeur n’est pas en mesure de priver le salarié de sa liberté d’aller et venir. La chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 28 février 2018, encadre le pouvoir d’enquête de l’employeur suite à des mesures de « confinement ». 

 

Dans cette affaire un salarié est surpris en flagrant délit de vol de morceau de viande par le biais d’une vidéo de surveillance. Soutenant qu’il n’est pas l’instigateur des vols, l’employeur décide d’installer les salariés de l’équipe de nettoyage de l’entreprise dans des locaux séparés.

 

Durant trois heures, les intéressés étaient interdit « de quitter ce bureau jusqu’à nouvel ordre ». L’employeur et le DRH prétextaient que le respect de cette mesure conditionne leur bonne-foi, faute de quoi ils seraient exposés à un licenciement pour faute.

 

Confinement, séparation, capture des téléphones portables à fin d’en exploiter les données personnelles, supercherie menant à plonger les locaux dans le noir pour surprendre un tiers extérieur complice, les actes accomplis pour « l’enquête » par les services de l’entreprise sont proches de celle de la police pour constater une infraction et identifier les auteurs.

 

Seulement ces mesures mises habituellement à disposition de la justice, relèvent-elles du pouvoir d’enquête d’un directeur d’entreprise et de son DRH ? 

 

Aussitôt la manœuvre terminée l’un des salariés dépose plainte pour séquestration et violences volontaire contre le personnel de direction sur le fondement de l’article 224-1 du code pénal.

 

La cour d’appel se fonde sur une « contrainte morale irrésistible » sous prétexte d’une menace de licenciement et retient ainsi une détention arbitraire suivie de libération avant le 7e jour. Une peine d’emprisonnement avec sursis est retenue pour arrestation, détention, séquestration du salarié.

 

En l’occurrence l’employeur ayant usurpé la qualité d’officier de police judiciaire pour mettre en œuvre ces mesures, dépasse les prérogatives lui étant accordé pour diligenter une enquête interne.

Rappelons que l’article L1121-1 du code du travail dispose que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » Tout comme l’article 9 du code civil pose les fondations du droit à la vie privée, les textes supranationaux convergent et appuient cette protection des libertés fondamentales.

Cependant la Cour de Cassation reproche à la cour d’Appel « d’avoir estimé le délit constitué sans préciser les actes matériels » entravant la liberté d’aller et venir du salarié. Toutefois la chambre criminelle n’exclut pas une condamnation pour détention ou séquestration, ainsi l’affaire transmise dans les mains de la cour d’appel de Grenoble devra pallier le défaut de motivation.

 

Cet arrêt est en voie d’améliorer la protection du salarié en cas de débordement de l’employeur mais permet aussi de prévenir celui-ci que des mesures appropriées lui sont réservées.

 

En effet la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale, ainsi, l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ne méconnaît pas le principe de la présomption d’innocence (Cour de cassation – chambre sociale 13 décembre 2017). L’employeur qui a connaissance de faits répréhensibles, susceptible d’être disciplinairement sanctionnés peut procéder à une enquête interne et recueillir les explications de ses salariés.

 

Une enquête est souvent nécessaire pour permettre à l’employeur d’observer la réalité du caractère fautif des faits dont le salarié est soupçonné. L’employeur est en mesure de demander restitution de la chose volée en dépit de quoi ce dernier peut solliciter l’intervention d’un officier de police judiciaire pour constater le vol. Cette diligence s’accompagne d’une plainte pénale sur le fondement du vol (article 461 – code pénal) qui entraînera l’enquête des services de police. La mise à pied conservatoire est alors de rigueur et pourra se solder par un licenciement pour faute grave ou lourde.